« Quand vous fabriquez une pièce de maroquinerie haut de gamme, vous utilisez ce dont vous avez besoin pour réaliser le sac. Le reste, le squelette, vous le jetez, ce qui représente au moins 50 % de la pièce initiale. Cela représente des volumes pharaoniques et une perte sèche pour le client », signale Vincent Menny, président d’Authentic Material.

Créée en 2016, cette manufacture de matériaux naturels est spécialisée dans la valorisation de déchets, et s’est depuis quelques années particulièrement focalisée sur un matériau : le cuir. Située à Portet-sur-Garonne, au sud de Toulouse, l’entreprise de 13 personnes récolte les déchets souvent directement chez ses clients, les maisons de luxe françaises, pour fabriquer de nouveaux matériaux et produits. Pour Vincent Menny, « C’est une boucle vertueuse, nous travaillons de manière circulaire. »

Cuir, corne, coquillage, bois… Authentic Material traite divers matériaux

La manufacture a commencé à travailler à partir de corne, puis s'est intéressée à tout type de matériaux naturels, du coquillage au bois, en passant par la porcelaine, grâce à différentes sources d'approvisionnement. « On utilise des technologies de broyage, puis ont créé des matériaux à partir de ces broyats », explique Vincent Menny.
Les méthodes de valorisation de matériaux de l’entreprise étant transposables au cuir, Authentic Material s’est intéressé à cette matière aux nombreux atouts. « Le cuir est imputrescible et durable du fait de son tannage, et les gisements de ses déchets sont monstrueux. Pourtant, il n'avait pas de filière de valorisation à proprement parler », contextualise le président. Aujourd’hui, 90 % du volume traité par la société est du cuir.

Une première usine qui traite 150 tonnes de déchets de cuir par an

Se décrivant elle-même encore récemment comme une « start-up avec de la propriété intellectuelle et des bonnes idées », Authentic Material a migré vers un modèle plus industriel avec la mise en route de sa première usine en octobre 2023, près de Toulouse. « On reçoit des mètres carrés de cuir issus de nos clients qui sont nos premiers fournisseurs et on les traite pour en créer des nouveaux », explique Vincent Menny. A la fois laboratoire et démonstrateur, l’usine a une capacité d'environ 150 tonnes de traitement à l'année, « ce qui est suffisant pour réaliser une démonstration industrielle mais pas encore pour traiter la totalité des gisements de cuir issus des maisons de luxe à travers la France et l'Europe », déclare l’entrepreneur.

Dans son usine, Authentic Material commence par le broyage des déchets. « Nos matières sont broyées et conditionnées pour arriver calibrées à une taille de particule suffisamment fine pour être intéressante à traiter. Broyer du cuir n’est pas un exercice facile car c'est une matière à la fois résistante et souple », indique Vincent Menny.

Deux gammes de matériaux : plastique chargé en cuir et cuir recyclé

Dans son usine, la société créé deux gammes de matériaux. La première a vocation à se substituer au plastique issu de la pétrochimie. « On réduit la fibre en poudre puis on la mélange avec des plastiques biosourcés issus d'une synthèse végétale ou recyclés issu de filières de recyclage. Le mixage final est un plastique chargé en cuir à près de 50 %, lui-même recyclable », expose Vincent Menny. Les objets ainsi conçus peuvent avoir toute forme possible, allant de la paire de lunettes à un stylo BIC.

La deuxième gamme est 100 % naturelle, sans additif, liant ou colle. « On va presser, chauffer et refroidir la matière pour obtenir des blocs de matériaux en 2D ou 3D selon la forme de l'objet que l'on veut créer. On peut parler ici d'artisanat d'art », clame l’entrepreneur. L’entreprise fabrique ainsi des accessoires de mode, broches, objets décoration, avec un touché, une odeur de cuir.

Des recettes de matériaux élaborées dans son centre de R&D

Authentic Material a son propre centre de recherche et développement, de prototypage et de design. « C'est en développant des méthodes physico-chimiques et en concevant de nouvelles recettes à partir de matériaux qu'on s'est fait connaître, et c'est par la suite qu'on a décidé d'industrialiser nos processus, explique le président de la société. Nos procédés consomment peu de ressources, par exemple on utilise un litre d'eau pour broyer deux tonnes de cuir environ, c’est très peu. »

Le traitement amont du cuir conditionne ce qui est récupéré derrière, comme l’explique Vincent Menny : « Par le triage du stock en amont, on peut séparer les types de peaux, de tannage, de couleur, ce qui va avoir une influence sur le produit final et sur sa couleur. En prenant du tout-venant traité dans un même lot, la matière marron noire obtenue n’aura que peu d'intérêt. »

Si la marque existe bien en tant que tel, la raison d’être de l’entreprise est davantage la mise en avant de ses nouveaux matériaux à travers une démarche créative.