D’Adèle Bréau à Adèle Van Reeth, les coups de cœur livres de Julie Mamou-Mani alias @Mamouz
A la veille du Festival du Livre de Paris, la journaliste et autrice Julie Mamou-Mani, connue pour son compte Instagram @Mamouz, revient sur sa passion pour les livres. Elle nous confie ses récents coups de cœurs : de la philosophie, des textes intimes, une biographie et un livre historique. Tous des livres écrits par des femmes !
Son compte Instagram désopilant a explosé durant le premier confinement à coups de posts humoristiques glanés sur le Net. Depuis, Julie Mamou-Mani est devenue « l’influenceuse Lol ». Et si elle préfère dire « productrice de contenu », cette journaliste auteure a assez d’humour (et de modestie) pour s’arranger de cette formule. Sa société de production Mamouz réalise des podcasts et des documentaires sur-mesure pour de grandes institutions culturelles comme le Mémorial de la Shoah et la Maison de Châteaubriand.
Le 10 mai prochain elle sortira son deuxième ouvrage, Petit éloge du rire. De la naissance à la mort les secrets de l’humour, aux Éditions Leduc. Co-écrit avec Jessica Cymerman et illustré par Tiffany Cooper, ce livre se révèle être une enquête sur l’importance de l’humour. Quand elle ne court pas d’une interview à l’autre, Julie lit « à un rythme d’un livre par jour, et dans tous les cas trois par semaine ! ». À l’occasion du Festival du Livre de Paris, qui se tiendra du 21 au 23 avril à la Porte de Versailles, pour lequel elle réalise un podcast, elle nous confie ses coups de cœur du moment. Et tout comme son rire, ses conseils de lectures sont … communicatifs !
L’heure des femmes, d’Adèle Bréau
« J’ai tout aimé de ce récit de la vie de Ménie Grégoire, voix de la radio et pionnière de la vie intime des femmes. La plume est tenue par sa petite-fille, la journaliste Adèle Bréau. Je savais avant même d’ouvrir le livre que ça allait me passionner. J’adore apprendre, je suis une grande lectrice de biographies et des romans qui s’inscrivent dans l’histoire. Je vois Ménie Grégoire un peu comme l’ancêtre de « Doc et Difool », les animateurs de Skyrock dans les années 90 ! C’est en tout cas la première animatrice de radio qui va s’intéresser à tous les questionnements des femmes de l’époque, de la maltraitance, à la sexualité, aux grossesses précoces ou encore aux problèmes de couple... J’ai toujours entendu qu’elle avait accompagné la parole des femmes dans les années 60 puis 70.
On la découvre en mère de famille, bourgeoise, mariée à un énarque. Et, puis un jour, l’équipe de RTL, qui la connaît et la sait audacieuse, souhaitant renouveler sa grille de programme, lui confie l’antenne. De 1967 à 1981, tous les après-midis pendant une demi-heure, accompagnée d’un médecin, Ménie Grégoire va écouter, conseiller des auditeurs, principalement des femmes. Adèle Bréau raconte admirablement comment sa grand-mère va s’emparer de ce poste comme d’une mission, pour répondre à toutes leurs questions. C’est aussi une histoire du féminisme. Un très bon livre qui nous rappelle qu’on oublie toujours trop vite combien les droits des femmes sont récents. »
L’heure des femmes, Adèle Bréau, Éditions JC Lattès
Les Partisans, Kessel et Druon, une histoire de famille, de Dominique Bona
« Dominique Bona est ma biographe préférée. Elle publie tout juste ce nouvel ouvrage passionnant sur les relations entre Maurice Druon et Joseph Kessel, coauteur en 1943 du Chant des partisans qui est aussi ma chanson préférée ! Je viens de commencer la lecture, un pavé de 500 pages, et déjà c’est magnifique !
Maurice Druon était le neveu de Joseph Kessel, le fils de son frère suicidé, son « presque fils ». L’histoire se trame entre 1930 et 1945. Encore une fois c’est la petite histoire dans la grande. Celle d’une extraordinaire complicité. On suit ces deux héros dans l’écriture des paroles de ce chant qu’André Malraux prononcera plus tard, en 1964, dans son discours lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon. Ce livre c’est aussi le récit de leur engagement dans la guerre, celui de l’antisémitisme et de la France libre. »
Les Partisans, Kessel et Druon, une histoire de famille, Dominique Bona, Éditions Gallimard
Inconsolable, d’Adèle Van Reeth
« Il faut être armé pour ouvrir le dernier livre de la philosophe Adèle Van Reeth. J’ai beaucoup pensé à mon père en le lisant. Ce livre, c’est Adèle dans toute sa splendeur ! C’est chirurgical sans jamais verser dans l’émotionnel. Elle raconte tellement bien « l’avant », avant la fin, c’est-à-dire pendant la maladie, puis « l’après », à travers le manque au quotidien, en relevant des petits détails de son, de musique, de conseil, de coup de téléphone...
Il n’y a pas de mot quand on perd un être cher. Tout semble illusoire. Nous devenons une machine qui doit supporter le quotidien. Elle décrypte cet état avec une minutie et une précision fine. C’est d’une grâce … et c’est bouleversant. Comme Adèle Bréau, Adèle Van Reeth que je connais, est de prime abord une femme plutôt sur la réserve et qui sait parfaitement, en se dévoilant dans l’écrit, nous faire réfléchir. Et sans se prendre au sérieux ! Ce livre est une ode à l’amour filial qui rappelle combien il est précieux. »
Inconsolable, Adèle Van Reeth, Éditions Gallimard
Allez courage ! Petit traité de l’ardeur, de Blanche de Richemont
« J’ai rencontré la philosophe et écrivaine Blanche de Richemont par le plus grand des hasards. Elle m’a raconté qu’elle emmenait marcher dans le désert des entrepreneurs et des gens qui se questionnent. Dans ce livre, elle interroge des témoins, un ermite, un chirurgien, un militaire, un écrivain, un ancien du Raid, un pompier intervenu durant l’incendie de Notre-Dame, une maman d’un enfant autiste. Ces personnes, souvent connues, parfois anonymes, nous racontent ce que c’est qu’avoir du courage. Blanche pose ainsi la question à ces personnes qui incarnent la bravoure. Elle a un sens impeccable de la formule. Elle dit, par exemple, « le courage ce n’est pas un appel aux armes, c’est un appel aux âmes » ou encore « la mort de l’idéal c’est le succès des pantoufles ». Si on retrouvait un peu d’ardeur on se plaindrait un peu moins, nous raconte-t-elle.
Ce que je trouve joli dans ce livre, c’est qu’elle s’empare du courage comme moi j’ai pris l’humour à bras le corps. Comme un GPS qui nous mènerait sur le bon chemin. Ce livre est aussi un questionnement sur la société : quel malaise les jeunes cherchent -ils à noyer dans les écrans ? Comment retrouver le souffle dans cette vie urbanisée et très capitaliste ? Comment fait-on pour garder l’ardeur dans une vie monotone qui peut ronger l’âme ? Et conserver la foi quand tout nous pousse à rester devant Netflix… Désormais mon rêve est de partir voyager avec elle au Sahara, pour une traversée du désert ! »
Allez courage ! Petit traité de l’ardeur, Blanche de Richemont, Éditions Presses de la Cité
Le sexe des femmes : Fragments d’un discours belliqueux, d’Anne Akrich
« J’ai rencontré Anne Akrich, auteur d’origine polynésienne et tunisienne qui a un humour fou, à l’occasion de l’écriture de mon prochain livre sur le rire. Dans cet ouvrage, elle se questionne sur le féminisme d’aujourd’hui. Mais si elle est archi-féministe, Anne Akrich prend ici les choses à contre-pied, et c’est cette posture qui me plait. Elle pose des questions avec beaucoup d’humour. Elle est même irrévérencieuse. Nous vivons dans un monde profondément comique, mais nous sommes incapables d’en plaisanter, nous dit-elle. Le rire a viré jaune, le sourire, au rictus. Anne continue à penser qu’on peut rire du féminisme.
Dans ce livre, écrit comme un manifeste voire un pamphlet, où elle parle pour la première fois en son nom, elle nous entraine dans sa colère, elle raconte des évènements vécus, terribles comme le viol de sa petite sœur, ou d’autres comiques, parle du désir et des rapports entre les hommes et les femmes avec une grande liberté de ton. Tout comme Adèle Van Reeth, Adèle Bréau ou encore Blanche de Richemont, c’est une personne brillante qui ne se prend pas au sérieux. Ces femmes font avancer le discours, en gardant toujours un tantinet d’humour. Et c’est une posture qui me parle évidemment ! »
Le sexe des femmes : Fragments d’un discours belliqueux, Anne Akrich, Éditions Gallimard
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