Comment les industries culturelles et créatives s’emparent du jumeau numérique ?
Médecine, aéronautique et automobile, mais aussi mode, musique, arts, jeux vidéo et spectacle vivant : plus un secteur n’échappe aujourd’hui à l’usage du jumeau numérique, cette copie en 3D du monde réel. La French Touch décrypte cette lame de fond. Reconnu surtout pour ses performances dans les sciences de la vie comme la médecine, le jumeau numérique ne connaît plus de frontière. De la voiture électrique à la basket, de l’urbanisme au téléphone portable ou encore au brassage de bière, son…
Médecine, aéronautique et automobile, mais aussi mode, musique, arts, jeux vidéo et spectacle vivant : plus un secteur n’échappe aujourd’hui à l’usage du jumeau numérique, cette copie en 3D du monde réel. La French Touch décrypte cette lame de fond.
Reconnu surtout pour ses performances dans les sciences de la vie comme la médecine, le jumeau numérique ne connaît plus de frontière. De la voiture électrique à la basket, de l’urbanisme au téléphone portable ou encore au brassage de bière, son champ d’application est sans limites. Analyser l’évolution d’un virus sur plusieurs années en accéléré, s’entrainer sur un geste précis lors d’une opération à cœur ouvert virtuelle, ou plus simplement simuler une panne de moteur : chaque jour de nouvelles utilisations voient le jour dans différents secteurs.
Pour l’industrie, ce concept né autour des années 1980 est devenu la clé de voute de l’usine du futur. Plus récemment, lors du dernier One Ocean Summit , à Brest en février, l’idée d’un jumeau numérique des océans a même fait surface. Une sorte d’avatar du milieu marin capable de prédire la montée des eaux, la prolifération d’algues toxiques, la fréquence des tempêtes… Mais que signifie exactement ce « buzzword » ? Pourquoi peut-il intéresser les acteurs des industries culturelles et créatives ?
« Créer un jumeau virtuel pour mieux comprendre et améliorer le réel »
Le jumeau numérique (ou jumeau virtuel) se définit comme la copie digitale parfaite en 3D d’un produit, d’une usine et de ses différentes machines, ou encore d’un objet ou d’une ville, dans les mêmes conditions que le réel, explique-t-on chez le français Dassault Systèmes, leader mondial qui développe des jumeaux virtuels depuis 40 ans. « L’enjeu est d’établir des outils numériques à impact positif. À chaque fois l’idée est la même : créer un jumeau virtuel pour mieux comprendre et améliorer le réel ».
Il aura suffi d’une annonce de Mark Zuckerberg, lors du lancement de son « Meta » en octobre 2021, pour que les géants du luxe à leur tour s’y intéressent de plus près, et se mettent à investir dans cette technologie intimement liée à celle du Metavers, Balenciaga jouant les éclaireurs. On a ainsi vu Gucci et d’autres marques vendre des jumeaux numériques de leurs sacs tandis que, fin mars, se tenait, sur Decentraland, la toute première « fashion week » numérique. Dans le monde du « gaming », de League of Legends à Roblox et Fortnite, des millions de joueurs, le plus souvent issus de la Génération Z, peuvent désormais habiller leurs avatars avec des looks griffés Moncler, Ralph Lauren, Marc Jacobs.
Mais l’utilité du jumeau numérique dans les métiers de la mode vaut surtout pour ses bénéfices indirects sur l’environnement, comme l’explique Riana Ralambomanana, responsable de l’innovation chez Quinten, l’un des leaders de l’intelligence artificielle en Europe. « La modélisation de la chaine de production permet une estimation précise des ressources nécessaires et moins de découpes inutiles. Grâce au jumeau numérique, plus besoin de fabriquer de prototypes physiques réels. Enfin, sur le plan marketing, il est possible d’évaluer l’intérêt de la clientèle sur plusieurs déclinaisons d’un même vêtement ou accessoire sans les réaliser, avec par exemple la création de show-rooms virtuels interactifs ». Fini l’errance dépensière, pour trouver le pull mieux assorti à votre jupe ou votre chemise, le dilemme se résoudra facilement en 3D. En quelques clics, le vendeur proposera, grâce au jumeau numérique du vêtement en question, infos et images permettant de visualiser vos prochains looks. Des marques comme Valentino, Ferragamo ou Versace auraient déjà enclenché, selon le magazine Vogue, une démarche digitale dans ce sens.
Des possibilités créatives infinies
Musées et monuments historiques se sont aussi appropriés le concept, dans l’objectif de séduire le public amateur d’expérience en VR, mais pas seulement. La Cité de l’Architecture permet depuis 2021 de pénétrer dans la Grotte de Lascaux ou plutôt de son jumeau. Guidé par un conférencier, le visiteur expérimente, en petit groupe, la découverte du lieu et de ses chefs d’œuvres ancestraux, chevaux, cerfs et bouquetins peints, comme s’il était vraiment sous terre. Un bémol toutefois : pour respecter stricto sensu la définition du jumeau numérique, il aurait fallu que cette copie virtuelle évolue au même rythme que la vraie grotte.
« Il existe plusieurs niveaux de définition du jumeau numérique, de la simple copie conforme à un double plus élaboré qui réagit et évolue comme dans la vraie vie. Tout dépend de l’usage qu’on souhaite faire de cette modélisation du réel. Car finalement le point le plus important avec les jumeaux numériques modernes reste l’utilisation de l’IA (Intelligence Artificielle) et de l’IoT (Internet of Things) pour les capteurs. C’est-à-dire la possibilité de construire et de faire évoluer le modèle quasiment en temps réel à partir des données récoltées dans le monde réel », poursuit Riana Ralambomanana. Enfin, dès le mois de juin, les visiteurs de la Villa Méditerranée pourront également explorer pour la première fois une réplique physique de la grotte Cosquer.
La sauvegarde du patrimoine est aussi en jeu : à partir d’une quantité de relevés réalisés avant l’incendie de Notre-Dame de Paris, notamment à l’aide de drones, une « Notre-Dame virtuelle » a vu le jour il y a pile un an, afin d’accompagner sa reconstruction. Le Natural History Museum de Londres, l’un des premiers musées à s’être intéressés au digital twin s’en sert lui à l’échelle du musée entier comme d’un tableau de bord pour gérer l’opérationnel et prévoir ses prochains investissements. Pour d’autres, le jumeau numérique apparaît comme l’opportunité d’explorer de nouvelles créativités. La preuve dans le secteur de la musique : sur son dernier album, l’artiste américaine Holly Herndon partage le micro avec le double numérique de sa voix baptisé Holly+. L’expérience se prolonge en ligne (sur Holly.plus), où l’internaute peut s’amuser à faire chanter cette jumelle sur n’importe quelle musique de son choix. La musicienne a promis pour bientôt un double en 3D de sa personne pour l’incarner. La suite s’imagine alors aisément… À quand un concert privé du jumeau de Serge Gainsbourg dans votre salon ou une soirée poésie avec celui d’Arthur Rimbaud ?
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