Faire du neuf avec du vieux, l’ADN de Lagoped
Le créateur de vêtements techniques de montagne et lifestyle Lagoped n’est pas une société comme les autres. Ses matières premières, l’entreprise va les chercher recyclées. Entretien avec son co-fondateur et PDG engagé Christophe Cordonnier.
« Je suis devenu expert en textile. C’est un secteur passionnant qui a besoin d'être revalorisé » s’enthousiasme Christophe Cordonnier, co-fondateur et PDG de Lagoped, créateur de vêtements lifestyle et techniques pour la montagne. « On équipe des moniteurs et guides de montagne, secouristes et médecins de CHU en altitude, on est partenaires du syndicat national des guides de montagne en France », énumère l’entrepreneur. Cet ADN de la montagne mêlé à la particularité qu’a la marque d’utiliser des matières premières recyclées se reflète parfaitement dans son slogan « One with Nature » (Faire un avec la nature).
Forte d’une équipe de neuf personnes réparties entre Paris et Annecy, Lagoped se charge de la partie création, conception, choisit bien ses matériaux recyclés, puis délègue à des sous-traitants la fabrication et l’assemblage des vêtements. Créée en 2018, la société a bénéficié d’une levée de fonds en juin 2023 qui lui permet de voir plus loin. A présent, elle souhaite développer l’export en multicanal, via des distributeurs et la vente en ligne, et vise l’ouverture de magasins physiques en France en 2025.
Des filières de recyclage existantes nécessaires pour Lagoped
« J'ai longtemps travaillé sur les matières premières en tant qu’ingénieur financier, et j’ai pu remarquer que l'extraction coûtait extrêmement cher, aux entreprises comme à l'environnement. Mon idée de créer du neuf avec du vieux vient de là », confie Christophe Cordonnier.
Lagoped s'appuie sur les filières industrielles européennes du textile et du recyclage. « Les filières de recyclage existent depuis une quinzaine d'années, en partie grâce aux commandes publiques qui ont permis les investissements nécessaires. Une seule usine nécessite des millions d'euros ! Lagoped n’aurait jamais pu se lancer si ces filières n’existaient pas », témoigne Christophe Cordonnier.
La marque s'appuie donc sur un écosystème déjà existant fort de quatre filières de recyclage, chacune dédiée à un matériau : le polyester, le polyamide, la laine et le coton. « La filière coton est plutôt espagnole, tandis qu’elle est principalement italienne pour le polyester, française pour la laine et slovène pour le polyamide », complète l’entrepreneur.
Des matières premières recyclées en post-production et en post-consommation
Grâce à ces filières existantes de recyclage, Lagoped peut se fournir en divers matériaux qui sont recyclés de deux manières. Le recyclage post-production, qui consiste à récupérer des chutes ou des déchets non utilisables (de tisseurs, tricoteurs, manufacturiers, filateurs…) pour les transformer en fil de coton et de laine, et le recyclage post-consommation, qui permet de fabriquer du polyester - à partir de bouteilles en plastique, et du polyamide - à partir de tapis et moquettes.
Pour Christophe Cordonnier, l’idéal à termes serait de pouvoir des matériaux recyclés en post-consommation textile, et ainsi de refaire du fil avec des vêtements déjà portés, « même si mécaniquement, distinguer la laine du coton, du polyester et du polyamide est encore très compliqué. »
Tricotage, tissage… les dernières étapes d’assemblage du vêtement final
Une fois le fil fabriqué à un très faible coût environnemental, Lagoped l'envoie dans une usine d'assemblage pour du tricotage (de la maille) ou du tissage (du chaîne et trame). « On ne parle que du ‘Made in’, mais la France a par exemple une industrie de chaîne et trame reconnue en Rhône-Alpes et dans l'est de son territoire », estime Christophe Cordonnier.
Une communication basée sur l’impact environnemental réel
Alors que beaucoup de marques communiquent sur cette fameuse mention de Made in France, Christophe Cordonnier souligne un impact environnemental minime de cette phase d'assemblage. D’après lui, Lagoped a - comme bon nombre d’entreprises - un impact direct (scope 1) environnemental de moins de 0,5 %, tandis que ses impacts indirects (scope 2 et 3) représentent 99,5 %. Et parmi ces impacts indirects, 90 % concernent l’approvisionnement et 10 % le manufacturing. « Aujourd'hui, les entreprises qui communiquent sur leurs engagements environnementaux le font presque exclusivement sur leur scope 1. Chez Lagoped, on a décidé de se concentrer sur le scope 3 », déclare Christophe Cordonnier. « L'impact social est aussi plus important durant la phase d’approvisionnement, il suffit de voir le nombre d'opérateurs nécessaires pour faire du coton naturel bio. »
Lagoped, un précurseur des lois durables
« On est très en avance parce qu'on applique la loi sur l’affichage environnemental bien avant qu'elle soit obligatoire. On représente ce que sera l'industrie textile d’ici quelques années. » D’après son co-fondateur, Lagoped est la « seule entreprise à appliquer l'indicateur français Eco Score (qui entrera en application sur le marché du textile pour les commerçants volontaires à l’automne 2024, ndlr), et la première marque à publier la traçabilité complète de tous ses produits, y compris de ses matières premières, exigence de la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Economie Circulaire). » Et l’entrepreneur de conclure : « Si on y arrive, ce n’est pas parce qu'on est plus malin que les autres, c'est juste qu'on a un suivi de production différent. »