Ça vient d’où ?

L’arpentage est « stricto sensu » la science de mesurer les terres, c’est l’une des expertises du géomètre. Elle permet d’en mesurer la superficie. Dérivé de cet usage, l’arpentage littéraire en reprend les principes. Parcourir en long et en large non plus un terrain, mais un document. Une technique de lecture à plusieurs qui nous vient des cercles ouvriers du XIXe siècle. En effet, comment s’emparer d’un livre quand on rentre fatigué de sa journée de travail ? Comment analyser un sujet et découvrir un auteur quand on n’a pas toujours le temps, ni les moyens, ni les codes ? Eh bien, l’arpentage littéraire répond à cette soif de connaissance, à cette envie d’embrasser la complexité. Une démarche ancrée dans l’engagement politique et l’esprit critique, menant souvent à une envie de transformer le monde et à reprendre le pouvoir sur ce qui nous dépasse. Par exemple, l’arpentage est réapparu pendant la Seconde Guerre mondiale dans les cercles de la Résistance.

Arpenter quoi ?

Explorer en petit groupe le livre choisi, réputé difficile à aborder seul et sans clés de lecture. On ne parle pas du dernier opus de Guillaume Musso ou de Marc Lévy... Mais plutôt du dernier essai à la compréhension moins évidente, d’un « best seller » sur un mouvement de pensée nécessitant la maîtrise d’un contexte particulier ou de concepts précis, d’une autobiographie, etc. Évidemment, l’arpentage refait surface alors même que l’époque actuelle appelle à des mobilisations politiques.

Comment ?

Chaque participant se voit attribuer une partie de l’ouvrage à lire à voix haute. La tradition veut qu’un exemplaire du livre sélectionné soit carrément découpé en plusieurs parties distribuées ensuite au sein du groupe. Un geste symbolique qui désacralise l’objet. On parle même de « désosser » le livre. Même état d’esprit avant de prendre la parole : certaines séances peuvent proposer un arpentage physique de l’espace, du lieu de réunion. Par la déambulation, occuper l’espace. Après la lecture, plusieurs étapes. Le dévidoir donne la parole en « pop-corn », des réactions à chaud préparant l’étape suivante. Le petit groupe entame la « restitution ». Un temps d’échange sur l’ensemble de l’œuvre où chacun peut reformuler, donner son avis. Mais, avant de coller à un format, à une méthode, à une norme, l’arpentage doit s’ancrer d’abord dans le plaisir. Celui de la conversation, de la rencontre, du partage. L’arpentage se définit comme un partage de savoirs collectif et inclusif.

Mais où ?

Au-delà des milieux militants, des musées, comme par exemple, le Palais de Tokyo, organisent régulièrement des séances d’arpentage. Également bibliothèques, lycées, universités… Des espaces culturels aussi, comme la Maison des Métallos à Paris. Le site du onzième arrondissement a participé au retour de cette pratique chez les jeunes en accueillant les ateliers du réseau d’associations sur les sujets de l’éducation « Peuple et Culture ». Cet organisme (certifié Qualiopi) propose d’ailleurs un calendrier en ligne de formations à l’animation d’arpentage dans toute la France. Prochaines dates à Paris, les 8 et 9 juillet.