L’artiste Caroline Corbasson, de Hilma Af Klint à Lana del Rey
Portrait de Caroline Corbasson ©Andrea Montano La plasticienne diplômée des Beaux-Arts figure parmi la relève de l’art contemporain français. Après avoir interrogé le cosmos dans une série de sculptures, de dessins, de peintures et d’installations, Caroline Corbasson présente cet automne un film plus personnel dans le cadre du programme « Mondes Nouveaux ». De retour de l’été, elle nous confie ses inspirations.
Caroline Corbasson est celle qui observe l’infini et nous fait voir l’invisible. Qu’il soit grand ou microscopique, cet « infiniment » nourrit l’imaginaire de cette artiste française née à Saint-Étienne en 1989. Vidéo, sculptures, dessins, elle n’aime rien tant que faire dialoguer les supports, les matières, les univers… Pas de cloisonnement chez cette artiste passionnée de sciences (astronomie, astrophysique, géologie, botanique…) et lectrice de poésie que les grands espaces inspirent depuis la tendre enfance. Caroline Corbasson a grandi au Canada puis aux Etats-Unis, fascinée petite par la beauté et l’hostilité de leur nature hors échelle. Avec une prédisposition à lever les yeux au ciel et à observer le cosmos puisqu’elle est la petite fille d’un ingénieur en optique ayant notamment travaillé pour la Nasa.
Formée à la Saint-Martin School de Londres, la plasticienne touche-à-tout s’immerge pour de bon dans le cosmos en découvrant, devenue étudiante aux Beaux-Arts de Paris, les encyclopédies d’astronomie conservée à la bibliothèque de l’école d’art. Ses premières œuvres parlent de poussières d’étoiles. Dès son diplôme en poche, les institutions qui la soutiennent sont parmi les plus renommées scientifiquement : CNRS, Laboratoire d’Astrophysique de Marseille, CNES, Observatoire Paranal au Chili, École Polytechnique de Lausanne. Présentés en France et à l’international, ses dessins, photographies, sculptures, peintures et films ont parfois évoqué cette frontière impossible à franchir par l’œil humain, au-delà de laquelle nous ne voyons plus, malgré le progrès des technologies et l’invention d’instruments astronomiques toujours plus performants, invitant par là même à dépasser nos perceptions anthropocentriques.
La place de l’homme dans l’univers, ou plutôt son absence dans ce vide, y est toujours implicitement questionnée. Ces derniers temps, celle dont le travail éclairé nous rappelle la quête de l’artiste américain James Turell a opéré un retour sur terre - si l’on peut dire- en remettant l’observation de l’humain au cœur de sa pratique. Sa nouvelle création « Isaac », un court métrage de fiction tourné aux abords de l’Observatoire astronomique du Pic du Midi, sera montré cet automne dans le cadre du programme « Mondes Nouveaux » du Ministère de la Culture pour lequel elle fut lauréate. Avant de s’envoler vers le pays du Soleil Levant afin d’y dessiner les contours de son prochain projet.
www.instagram.com/carolinecorbasson
Art moderne et contemporain : de Hilma Af Klint à Francis Alÿs
Mille fois Hilma Af Klint ! Pionnière de l’art abstrait cette artiste suédoise (1862 – 1944) est une source intarissable dont le travail me nourrit, m’inspire, me guide. Pour plonger dans son œuvre il existe un superbe catalogue raisonné en sept volumes (!) publié chez Thames Hudson. L’exposition « The Nature of the Game » de Francis Alÿs est présentée jusqu’au 7 janvier 2024 à Bruxelles au centre d’art Wiels. C’est d’une grande force. Elle m’a tout simplement fait pleurer tant c’était beau. L’aspect documentaire de son travail et l’humilité qui s’en dégage me touchent. Je pense aussi aux poèmes écrits au crayon de papier que l’artiste contemporain Ugo Rondinone publie sur Instagram. Tour à tour légers comme l’air, graves ou drôles, ils sont toujours d’une grande délicatesse.
Cinéma : de « Anatomie d’une chute » à « Aftersun »
J’ai vu dès sa sortie « Anatomie d’une chute » de Justine Triet et récemment « Aftersun » de Charlotte Wells. À voir absolument. Ils sont tous deux merveilleusement écrits. Ce sont deux réalisatrices que j’admire et qui me donnent l’envie et le courage de poursuivre mon désir de réaliser des films.
Littérature et poésie : de Kae Tempest à Edouard Louis
Cet été je suis peu partie en vacances alors j’ai voyagé à travers ces œuvres qui m’ont particulièrement touchée, accompagnée. D’abord « Let them eat chaos » de Kae Tempest découverte à travers sa musique et dont la force m’a tout de suite saisie. C’est ensuite un peu par hasard que je suis tombée sur ses livres au rayon poésie en librairie. Elle fait partie des artistes avec lesquelles je me suis sentie instantanément reliée. Je recommande la version bilingue publiée chez l’Arche. En poésie, j’aime aussi « Night Sky with Exit Wounds » d’Ocean Vuong, un génie de ma génération, que j’admire énormément et avec lequel j’adorerais collaborer un jour. Je viens de commencer son « Time is a Mother ». J’ajoute à mon panthéon l’extraordinaire Etel Adnan et ses recueils « Time », « Seasons », « Sea and Fog », « Night »... Sa peinture m’a amenée à découvrir sa poésie. J’ai toujours ses recueils près de moi. Je pense aussi à « Scènes de la vie conjugale » d’Ingmar Bergmann (et les deux géniales séries qui en découlent, l’originale et la reprise). J’avais déjà aimé les séries mais le livre est un chef d’œuvre. Enfin, Edouard Louis avec son « Qui a tué mon père » ainsi que « Changer : méthode ». Ces deux livres me donnent envie de lire tous ses autres livres. Bouleversants et indispensables, ils m’ont véritablement bousculée cet été, et continuent de m’habiter. Je termine avec Robert Bresson et ses « Notes sur le cinématographe » que j’ouvre régulièrement en ce moment et que je recommande à tous ceux qui font ou ont envie de faire des films.
Concert et album : de Brad Mehldau à Lana del Rey
J’ai eu la chance de voir Brad Mehldau en concert à Montréal en juin. Il m’a beaucoup émue par sa présence : il semble être infiniment là et infiniment ailleurs lorsqu’il joue. J’adore son morceau « Ode ». J’ai écouté en boucle tout l’été le morceau de Prefab Sprout « Trawl the megahertz » ainsi que Billie Eilish et son sublime album mélancolique « Happier than ever ». Enfin je suis fan du magnifique album-recueil « Violet bent backwards over the grass » de Lana del Rey, une artiste que j’aime infiniment pour sa sincérité et son authenticité rares.