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Les coups de cœur de Joseph Schiano di Lombo : de Laurent Le Deunff à Donna Haraway

Surtout connu sur la scène parisienne pour ses compositions décalées au piano, le talentueux trentenaire, également artiste visuel, performeur et poète, ne s’embarrasse pas des frontières entre les médiums. Ses coups de cœur du moment, confiés à la French Touch, sont à son image, pluridisciplinaires !

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6 min

Jojo HD (5)

À la fois musicien, artiste visuel, écrivain, poète, compositeur d’opéra, performeur. Joseph Schiano di Lombo, né à Chambéry, est l’un des créateurs les plus transversaux de la scène actuelle. En plus d’une formation de pianiste et de clarinettiste le trentenaire est passé par l’École Nationale Supérieure des Arts déco de Paris (ENSAD). Il fait aujourd’hui partie, par son talent inclassable, des artistes qu’on aime découvrir. À mille lieux de toute stratégie marketing, la présentation de son nouvel album, « une heure d’improvisation avec les oiseaux et les bourdons dans une forêt de montagne corse », à écouter en ligne (1), semble en dire long sur son art. Comme si le compositeur, installé aujourd’hui à Pantin, s’attachait à retranscrire, dans ses élégantes et délicates créations, certaines conversations de notre époque, celles qui résonnent à bas bruit, mais sont essentielles à nos vies. Des dialogues avec un pinson et un bourdon dans la forêt, ou encore avec l’espèce canine (dans « Musique de niche », album sorti chez Cracki Records, 2021) ou bien avec une artiste plasticienne (Anastasia Bay) pour un opéra (« Maestra Lacrymae ») présenté en début d’année à Bruxelles. « Entre farce et sérieux, références et intuitions, grotesque et minimalisme, culture populaire et académique » : son art est semblable à une fugue, explique-t-il, « cette forme musicale où un réseau de voix indépendantes crée une harmonie ». « Par ces déplacements, (je) tente de reconsidérer les modes de pensée et de création dominants, établis sur une encombrante opposition de contraires : l’artiste et son public, l’art et la vie, la nature et la culture, l’humain et l’animal... » En attendant d’entendre ses prochaines fugues, nous lui avons demandé ses inspirations du moment.

(1)« Trio for untuned Piano, winged singers and whoever wants to join »

Une devise de Robert Filliou

« Récemment une amie m’a demandé si une devise m’accompagnait tous les jours. Je lui ai répondu avec cette phrase de l’artiste franco-américain Robert Filliou : « L’art c’est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art ». Comme me l’avait laissé entendre avant elle le titre d’un livre de Allan Kaprow (« L’art et la vie confondus »), la vie prévaut sur toute autre forme de création. Ça ne veut pas dire que l’art est inférieur, pour moi, mais que pour que l’art soit vraiment vivant, il doit venir de nos vies, et nous y renvoyer. C’est aussi un enseignement pour les artistes, je pense : il est dommage (voire dommageable) d’oublier le monde au seul profit de son monde intérieur ».

La musique de Antonina Nowacka

« C’est une découverte que j’ai faite récemment, au festival Échos (dans les gorges du Gouravour, Hautes Alpes), où la musique est projetée par d’immenses trompes contre les falaises qui renvoient le son vers le public. Le concert qui m’a particulièrement touché fut celui de Antonina Nowacka. Accompagnée de sa harpe, elle a chanté des vocalises d’une pureté absolue, et le relief naturel de la montagne renvoyait l’écho de son chant. En travaillant à mon exposition « Musique pour Arp » (une exposition pluridisciplinaire rendant hommage au sculpteur et poète dadaïste Jean Arp accueillie en 2019 par David Giroire, à Paris), je m’étais intéressé à l’histoire de cet instrument, des mythes qui l’entourent, de sa capacité à « endormir les bêtes sauvages ». Le concert d’Antonina les a clairement envoyées à la sieste, dans un présent qui venait du fond des âges ! ».

Le cinéma de Louise Mootz

Louise Mootz est une amie et une grande réalisatrice. Son film « Jungle », qu’elle a réalisé à l’âge de 23 ans, est une pure pépite. Elle filme ses amies dans Paris, avec un humour, une tendresse et une énergie magnifiques. Nous avons fait connaissance à Providenza, une résidence nichée dans les montagnes du Cap corse où j’ai enregistré un album qui vient de sortir. Louise est toujours en train d’imaginer des scénarios, d’écouter de la musique en pensant à telle scène (scène encore visible que pour elle seule). Je sais à quel point son esprit regorge d’inspiration, et toute cette inspiration, ça m’inspire.

L’engagement des éditions Brook

La poète et traductrice Rosanna Puyol Boralevi dirige les éditions Brook depuis 2018. La maison rend disponible en français des textes importants liés aux engagements intersectionnels, féministes, antiracistes, décoloniaux et queer. Parmi eux, « Cruiser l’utopie, l’après et ailleurs de l’advenir queer » de José Esteban Muñoz, « Zones mortes » de Shulamith Firestone, un ouvrage collectif intitulé « Textes à lire à voix haute » et le très récent « À perte de mère : sur les routes atlantiques de l’esclavage » de Saidiya Hartman, traduit par Maboula Soumahoro. En plus d’être toujours des découvertes, ces livres sont magnifiquement mis en page.

Brook.pm

 

La sculpture de Laurent le Deunff

Je suis le travail de beaucoup d’artistes, mais celui qui vient à mon esprit, là maintenant tout de suite, est celui du sculpteur et dessinateur Laurent Le Deunff. Il grave dans des dents, dans le bois, et dessine son chat à la mine de plomb. C’est très figuratif, très simple en un sens, pas du tout prétentieux et absolument magnifique. On sent que c’est un travail quotidien, fait sans la prétention de chambouler la face du monde, et ça suffit pour me chambouler.

Exposition « Whatever this may be », à la galerie Semiose du 22 juin au 17 août.

Semiose.com

La pensée de Donna J. Haraway

« Vivre avec le trouble » est le premier livre de Donna J. Haraway que j’aie lu. Il est difficile de résumer tout ce que cet ouvrage apporte, mais ce qui m’a le plus marqué à sa lecture, c’est son encouragement à prendre nos responsabilités face aux dérèglements climatiques désastreux qui ont cours, en refusant les fantasmes opposés mais similaires de l’impossible retour au paradis perdu (qui viendrait tout effacer dans un buisson fleuri) et de l’apocalypse (qui viendrait tout régler dans un grand feu ravageur). Non, nous sommes ici, nous avons des choses à faire pour prendre soin de notre monde. Pour cela, la penseuse californienne nous encourage à renoncer au mythe terrible du « self-made-man », de privilégier les actes sympoïetiques, les projets de cocréations, de cultiver les relations interspécifiques et aussi (surtout) de réapprendre à mourir.

 

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