(Crédits photo Anne-Charlotte Moulard)

Reçue récemment à la Grande Librairie d’Augustin Trapenard pour présenter « Les Francs Tireuses », son nouveau livre (Éditions Anne Carrière) dédié à l’artiste surréaliste et grande résistante Claude Cahun, Emmanuelle Hutin fait partie des autrices contemporaines à suivre. Après de longues années au sein de la maison Chanel, cette experte de l’élégance française partage aujourd’hui son temps entre sa passion pour la mode et ses projets d’écriture. De quoi nous inspirer en ce début d’année.

Le surréalisme et Claude Cahun

Je suis tombée en surréalisme il y a une quinzaine d’années. D’abord parce que chaque découverte surréaliste me faisait sourire comme une enfant devant la fantaisie-bêtise d’un autre. Puis j’ai tout embrassé : l’amour absolu, leur vision libertaire et émancipatrice de l’être humain, leur imaginaire qui tend à devenir une sur-réalité, leur poésie qui réconcilie l’action et le rêve, le merveilleux de la nature… Dans ce royaume surréaliste, Claude Cahun est mon roi.reine. Artiste pluridisciplinaire, sa vie et sa résistance sont à l’image de ses œuvres : libres, iconoclastes, absolues !

La mode de Dries Van Noten

J’ai une admiration infinie pour Dries Van Noten, pour la justesse de sa vision sur la féminité et la masculinité qui se jouent des limites tout en restant dans leur essence. Ses inspirations n’ont pas de frontières et pourtant ses collections ne tombent jamais dans l’exotisme. J’aime qu’elles fassent la synthèse de l’ailleurs avec la mode urbaine occidentale, avec cette élégance nonchalante si propre à ses silhouettes. Ce serait si beau un monde où on serait tous et toutes habillé.ées en Dries Van Noten. Mais peut-être vaut-il mieux que cela reste une exception qui arrête les yeux et le cœur quand on la croise ?

Les mains

Les mains me fascinent. Je les fixe quand on me parle, au lieu de regarder dans les yeux. Je les traque dans les peintures, les photos, les films. Récemment j’en ai vu de très belles dans les toiles de Ribera exposées au Petit Palais. J’aime toutes les mains. Les mains collantes des enfants, les mains calleuses du travail physique, les mains aux ongles vernis, les mains aux doigts noueux d’avoir tant vécu, les mains tachées d’encre. J’aime les mains qui font, qui disent non, les mains qui créent, qui caressent, les mains qui dansent, qui se crispent, les mains qui écrivent, qui montrent, les mains qui massent, qui reçoivent. En yoga, on les dit associées au cœur symbolique. Peut-être aussi pour cela que j’adore porter des vêtements avec des détails fait à la main, comme des broderies. Une impression de porter un peu le cœur des autres.

Les gravures de Gregory Morizeau

J’ai découvert la gravure à travers l’artiste Grégory Morizeau. Même si je connais bien maintenant son travail, son processus de création m’est encore très mystérieux. J’ai du mal à reconnaître la gravure dans ses matières qui sont à la fois minérales et organiques, où les contours d’une tête se répètent tout en s’effaçant. On ne sait plus si les papiers ont été arrachés ou au contraire collés sous presse, s’il s’agit de l’écorce d’un bouleau ou d’une affiche publicitaire. Et ce que j’adore, c’est que Gregory Morizeau, quand il expose son travail, autorise à ce qu’on le découvre du bout des doigts. (Le travail pas l’artiste !)

Nina Simone

J’écoute en boucle Nina Simone. Depuis toujours. Et je sais que je ne m’en lasserai jamais. Qu’elle soit amoureuse, mélancolique, joyeuse, en colère, je deviens Nina Simone quand je l’écoute. Je suis Nina Simone. Chaque cellule de mon corps vibre de son émotion à elle. She put a spell on me.

La mythologie grecque et indienne

Enfant j’étais effrayée par la cruauté des dieux. Aujourd’hui, chaque mythe me fait l’effet d’une invitation à repousser les limites de mon identité et à prendre en compte toutes mes facettes, même les plus sombres. L’antidote parfaite à l’injonction de devenir « la meilleure version de soi-même » ! Ma BBF est Perséphone, celle qui vit entre les enfers et la surface. Autrement dit, qui navigue entre l’invisible et la matière, entre des périodes d’écoute intérieure et des périodes de réalisations tournées vers les autres. Elle est libre dans la contrainte et profondément connectée à ses désirs. Toutes les interprétations contemporaines de la mythologie m’enchantent. Comme la série Kaos (Netflix) avec Jeff Goldblum génial en Zeus ! Ou en moins littéral les livres « Croire au merveilleux » de Christophe Ono-dit-Biot et « Opium » pour Ovide de Yoko Tawada.

Le vintage

Cette année, j’ai découvert deux pépites ultra complémentaires. La maison de vente spécialisée en mode, Penelope’s, créée par Penelope Blanckaert qui a l’œil et le goût très sûrs. Je viens d’y acheter une blouse en soie violette lors d’une vente Yves Saint Laurent. Je compte bien la porter avec un des Levi’s trouvés chez Numéro Deux. La fondatrice, Chloe Pasqueletto, reçoit sur rendez-vous dans un joli appartement pour vous présenter ses jeans chinés un peu partout.