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Pour papilles et oreilles sensibles

Des lieux de restauration d’un nouveau genre se multiplient à Paris. On les nomme les bars audiophiles, « listening bar » ou bars d’écoute, en référence à leur attachement au son et à une musique de qualité, en plus d’offrir dans un décor soigné bonne food et vin nature. Décryptage de cette tendance qui fait rage de Tokyo à Londres. Avec le récent retour de beaux jours, les habitants du quartier du coquet Square Carpeaux, sur la pente de Montmartre, ont vu…

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Spootnik

Des lieux de restauration d’un nouveau genre se multiplient à Paris. On les nomme les bars audiophiles, « listening bar » ou bars d’écoute, en référence à leur attachement au son et à une musique de qualité, en plus d’offrir dans un décor soigné bonne food et vin nature. Décryptage de cette tendance qui fait rage de Tokyo à Londres.

Avec le récent retour de beaux jours, les habitants du quartier du coquet Square Carpeaux, sur la pente de Montmartre, ont vu atterrir un ovni dans le paysage calme et familial de cet îlot résidentiel du dix huitième arrondissement. Un lieu entre le restaurant et le bar à cocktails qui se métamorphose, autour des douze coups de minuit, en dance-floor d’un nouveau genre. Ni boite de nuit, ni speakeasy, on y propose de danser furieusement sur des DJ sets de funk et de house organisés par artistes et collectifs, mais en toute discrétion, comme coupés du monde… Le lieu baptisé « Superflu », qui a ouvert fin avril, fait partie de cette nouvelle génération de bars dits audiophiles, une tendance de la vie noctambule qui essaime de Tokyo à Paris en passant par Londres et Bruxelles. Jusqu’à deux heures du matin, vendredi et samedi, la nouba bat son plein dans une ambiance tamisée grâce à un son soigné et une insonorisation haut de gamme. Les initiés savent qu’on peut aussi y réserver une table pour dîner ou y siroter un cocktail. Et, ainsi, se laisser entrainer doucement, à mesure que la nuit avance, vers une ambiance « groovy » que chacun espère la plus conviviale possible. Lancé par deux compères, Louis Bruneteau et Jean-Baptiste Andrau, rejoints par Juliette Chavanon la sommelière de la bande, et le chef exécutif Cherki Slimani, le Superflu est né de leur passion commune pour vins nature et musique électro.

« Depuis la crise sanitaire, la génération des 25-35 ans a repris le rythme des sorties, explique Jean-Baptiste. Ce sens de la fête s’associe à la révolution du vin nature elle-même soutenue par une conscience écologique et par toutes ces questions sur la provenance des vins et la manière dont ils sont produits. Nous avons voulu ouvrir un lieu qui répond à cette exigence et offre, en même temps, la possibilité de pouvoir s’attarder à table, finir une bouteille au comptoir et se mettre à danser sans avoir à migrer en boite de nuit ».

Les bars audiophiles : une tendance venue du Japon

Au cœur de Paris, un véritable challenge. Architecte de formation, le jeune homme le sait mieux que quiconque : «  L’isolation des bâtiments haussmanniens parisiens est loin d’être adaptée à ce type de projet ». A moins de l’accompagner d’un système acoustique en béton. C’est la clé de voute du succès des bars audiophiles parisiens ! Et Superflu n’y échappe pas. Pour attirer les meilleurs DJs, l’équipe n’a donc pas lésiné sur la qualité de l’équipement « son » : deux platines vinyles Technics, une table de mixage rotary faite à la main en Suisse, deux lecteurs Pionneer, deux caissons de baisse, le tout installé bien en vu sur un bar tout en courbes et mosaïque violette sous un néon sculptural du design Paul Créange. Et, en contrepartie, afin d’ assurer la tranquillité du voisinage, le bar s’est équipé d’une isolation presque sans faille. Dalle de béton posée sur des ressorts en caoutchouc de sorte à ne pas transmettre les ondes sonores, la plus haute qualité de double vitrage Saint-Gobain pour composer la baie vitrée, etc. Les convives, eux, ne remarqueront rien, hormis le design réussi du revêtement mural en forme de douces ondulations se prolongeant vers le plafond. « Ce n’est pas seulement décoratif !, ajuste Jean-Baptiste. Réalisée en béton projeté cette couverture vient cacher différentes épaisseurs, de façon à traiter autant les hautes que les basses fréquences, et à absorber les sons pour une expérience acoustique optimale ». De quoi rassurer complètement les voisins, selon lui. L’expérience serait incomplète sans une carte soignée (fruits et légumes sourcés localement, poissons issus de pêche durable, viande d’élevage français) évoluant tous les trois mois où l’on trouve quelques pépites locales comme le pain au levain de l’Atelier P1 voisin et le café Lomi torréfié un peu plus loin dans la même rue.

A l’origine, cette tendance des bars audiophiles vient du Japon. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, des fous de jazz, maniaques du son, se retrouvaient dans des lieux appelés des « jazz kissa » pour écouter, entre passionnés, les rares enregistrements des jazzmen américains. La tradition s’est amplifiée pour s’étendre aux autres genres musicaux, avant que les Européens s’en emparent à leur tour. A Londres avec le Brilliant Corners, à Bruxelles avec Altitude Bar. Paris s’y attable maintenant, et peut s’enorgueillir d’avoir désormais des bars audiophiles aux quatre coins de la ville. Que la fête commence ? À l’intersection de la rue Poulet et de la rue Myrha où siège Double Vie, elle a même trouvé son rythme de croisière, ainsi que son public, après un an d’ouverture. Sur cette pente de Montmartre, cette fois côté Barbès, le bar audiophile a posé tables et platines l’été dernier, devenant depuis l’une des références du genre de la rive droite. L’adresse s’étale sur trois étages d’une structure en béton des années 40, respectant, dans sa configuration, tout l’esprit du concept. Restaurant et cocktails vers le haut, tandis que la piste de danse et ses énormes enceintes se terrent en sous-sol. Avant d’aller tester cette bonne « vibe », on déguste croquetas bellota, arancini au comté et autres finger food accompagnés d’une ginger beer ou d’un des quatre cocktails maison, dans un cadre sans chichi mais bien décoré. Le bon combo, comme le conclut Fabrice Desprez, fondateur de l’agence de promotion de musique Phunk, habitué des lieux et surtout fin limier des tendances musicales. « Les bars audiophiles font partie d’un mouvement plus large qui marque un certain renouveau de l’esprit de la fête porté par une génération de trentenaires qui s’est assagie et recherche des adresses cochant toutes les bonnes cases, examine t-il. L’approche y est plus qualitative autant dans l’expression du son que dans la convivialité des lieux. Dans la cartographie de la nuit parisienne, des lieux sincères portés par des bandes de copains qui y mettent tout leur cœur ».

 

Plus de bars audiophiles :

Près de Bourse : le Montezuma Café

Dans le Marais : le Spootnik Bar (rue des Gravilliers), et Donna (rue Saint Martin)

À Bastille : le Fréquence (rue Keller) et le Bambino (rue Saint-Sébastien)

Au Parc Montsouris : le Poinçon

 

 

Photo : © Datsha Underground

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